
Santé mentale des femmes : Sœurs Pour Sœurs crée un espace féministe de soin et de libération
Ouagadougou, 13 mars 2025 — La santé mentale des femmes ne relève ni du luxe ni du silence. Elle constitue une urgence sociale et un impératif de justice. Pourtant, les souffrances psychiques des femmes demeurent largement invisibilisées, étouffées par des normes patriarcales persistantes. Pour rompre ce silence et offrir un cadre de parole et de soin, l’association Sœurs Pour Sœurs/Tond Laa Taaba (SPS/TLT) a lancé, le 13 mars 2025 à Ouagadougou, un Havre Féministe dédié à la santé mentale des femmes et des filles.

Organisé dans le cadre du projet Song Paaga, avec le soutien du programme Feminist Opportunities Now (FON), l’événement a réuni 53 participantes, militantes, professionnelles de santé mentale et survivantes autour de trois axes majeurs : l’autonomie corporelle, l’impact du patriarcat sur la santé mentale, et les approches thérapeutiques féministes.
Dans de nombreuses sociétés, le corps féminin est soumis à des normes de contrôle et de domination. Dès l’enfance, les filles sont conditionnées à se conformer à des standards irréalistes, à réprimer leurs désirs et à sacrifier leur bien-être. Cette dépossession engendre des troubles psychologiques comme l’anxiété, la culpabilité, la dépression, le faible estime de soi.
« Quand une femme ne peut disposer librement de son corps, elle perd une part de son identité et de sa force intérieure. Se réapproprier son corps, c’est retrouver son pouvoir »
Stevie Reine YAMEOGO, Panéliste

Les échanges ont mis en lumière les restrictions des droits sexuels et reproductifs, les violences sexistes et sexuelles, ainsi que les diktats esthétiques qui pèsent sur les femmes. Revendiquer l’autonomie corporelle, c’est aussi revendiquer le droit à la santé mentale.
La souffrance mentale des femmes ne relève pas d’une fatalité biologique, mais d’un système d’oppressions. Le patriarcat impose des rôles épuisants, invisibilise les douleurs et stigmatise les émotions féminines.
« On attend des femmes qu’elles endurent en silence. Si elles s’effondrent, elles sont jugées. Si elles expriment leur colère, elles sont qualifiées d’hystériques. Où est leur droit au bien-être mental ? », a interrogé une Participante
Les témoignages ont révélé une charge mentale et émotionnelle écrasante, des violences psychologiques et institutionnelles, ainsi qu’un isolement social renforcé par la honte et la culpabilisation. Face à ce constat, les participantes ont plaidé pour une approche féministe de la santé mentale, adaptée aux réalités spécifiques des femmes. La thérapie féministe a été présentée comme une réponse politique et solidaire, visant à déconstruire les traumatismes et à créer des espaces de soin fondés sur la sororité.

« Se soigner, ce n’est pas seulement apaiser les symptômes. C’est comprendre les racines systémiques de notre souffrance et les combattre », a souligné Juliette Nathalie BAKYONO, panéliste.
Les discussions ont insisté sur l’importance d’une approche thérapeutique dépatriarcalisée, de la création de cercles de parole et d’entraide sécurisés, et de l’accès universel aux soins psychologiques, indépendamment du statut social ou économique. Les témoignages de survivantes ont rappelé que se réapproprier sa santé mentale est aussi un acte de résistance.
Au-delà des échanges, ce Havre Féministe a constitué une prise de position forte : la santé mentale des femmes doit être reconnue comme une priorité de santé publique. SPS/TLT appelle les autorités, les organisations féministes et les acteurs de la santé à s’engager pour une prise en charge adaptée, inclusive et accessible.
Parce qu’aucune femme ne devrait souffrir en silence, ce Havre Féministe n’était pas qu’un événement. C’est une révolution en marche.
Fatou FAYAMA